dimanche 13 mars 2011

Communauté vs. Trolls



Community
, créé par Dan Harmon

Harmon a écrit un très joli scénario de long métrage il y a quelques années, Zemeckis-sien dans l'âme, intitulé Monster House. Ca avait donné un film d'animation 3D tout ce qu'il y a de plus sympathique. Le film brillait notamment par ses dialogues. C'est probablement la seule chose que je sauverais vraiment de cette série qu'il a développée et qui a été lancée il y a maintenant 2 ans.

Le pitch est assez simple : on suit un avocat radié du barreau, obligé de retourner à la fac pour repasser son diplôme. Il se retrouve dans la fac publique, qui sert de réceptacle à toute une ribambelle d'étudiants plus improbables les uns que les autres : des vieux qui veulent retourner étudier, des jeunes acceptés nulle part ailleurs...

Au niveau de l'humour, il y a un grand savoir faire dans les dialogues, et dans l'humour un peu méta. Mais, après c'est une question de gout, la série n'est absolument pas feuilletonnante. Elle est bien construite, bien dans les clous, épisode par épisode, avec chacun des six personnages de rigueur qui a son temps de présence à l'écran. On rigole mais ça ne va strictement nulle part.

The Troll hunter, de Andre Ovredal

Je parlais de conceptualisation récemment pour les films fantastiques low cost. Là, on a un film venu du froid qui assume au premier degré un constat de film de genre assez simple : les trolls existent dans les fjords norvégiens et leur population est gérée par un chasseur. Il s'appelle Hans et il chasse avec des armes à ultra violet. On va suivre ses aventures grâce à une équipe d'apprentis journalistes. Le film a donc un parti pris de réalisation "à la" Blair Witch/Cloverfield/REC. Il ne le transcende comme pouvaient le faire les exemples précités et se repose surtout sur un ton assez étonnant.

D'un coté un personnage de chasseur de trolls qui râle parce qu'il est mal payé, qui campe un cowboy bougon bien décidé à vider son sac et enfin laisser éclater au grand jour ce qui est gardé comme un secret gouvernemental.

De l'autre, un premier degré dans le traitement des trolls tout à fait délicieux.

Là encore, pour me répéter, rien qu'on ne puisse faire chez nous. C'est un film qui coute pas cher, qui ne reproduit pas bêtement une formule mais qui l'adapte à sa sauce, grâce à une écriture intelligente. C'est loin d'être le film du siècle, mais c'est encore une fois un bel exemple de film de genre qui fait parler de lui à l'international.

- Le livre d'entretien de Judd Apatow avec Emmanuel Burdeau est épatant, d'autant plus lorsqu'on est, comme nous, en plein développement d'un projet dans cette veine. C'est surtout une mine d'information sur sa méthode de travail et sur la façon dont il envisage le genre de la comédie. Loin des canons habituels de structure mais principalement focalisé sur l'amour des personnages.

dimanche 6 mars 2011

La défaite est, en fait...



La projection en salle d’un projet perso est toujours une expérience extrêmement exaltante. Délicieuse avant et après, totalement terrifiante pendant.

Tu travailles pendant des mois (des années) sur un projet, plus ou moins long. Tu as fini la postproduction de la chose et tu dois maintenant le montrer aux gens, parce qu’après tout, un film n’existe que dans l’œil de son spectateur. Donc tu te loues une jolie salle de cinéma.

Tu invites tout un tas de personnes qui ont des raisons bien différentes d’être là : une équipe technique et artistique qui a été bénévole et qui voit donc là dedans sa seule rétribution. Et puis tu invites des collègues (concurrents) pour leur montrer ce que tu fais. Et puis enfin tu invites tes proches, tes amis et familles, pour leur montrer que tu ne passes pas tes journées à te branler la nouille. Au niveau comptable, un film n’est enregistré que lorsqu’il est terminé. Pour tes proches, c’est exactement la même chose. Avant la projection, ce n’est souvent hélas que du vent.

Les tests effectués, tu arrives le jour J quelques minutes avant le début de la projection. Tu vois les gens arriver. L’équipe technique, ce sont des gens que tu ne vois jamais dans la vie, mais avec qui tu as vécu une expérience hyper forte humainement (le tournage) et que tu revois avec un plaisir assez fort. Des amis que tu vois rarement, des collègues qui te saluent en souriant parce qu’ils savent exactement ce par quoi tu passes.

Avant de la lancer le machin dans le grain bain, tu fais un petit discours. Tu remercies les gens. Tu aimerais pouvoir les remercier chacun personnellement mais tu ne peux pas parce qu’ils sont souvent des dizaines. Tu prends donc des appellations génériques : « l’équipe », « la production », « les zigotos » etc. Jusqu’ici tout va bien.

Mais vient le moment de l’extinction des lumières. Et là, tout ce qui était assez abstrait devient terriblement concret. C’est assez terrifiant. Des mois de boulot pour développer un scénario, des semaines de travail pour préparer un tournage, des castings, des choix techniques, des jours de tournage avec des rapports humains à gérer, des journées et des nuits de postproduction, à fignoler à l’image près, au décibel près, des détails que personne ne remarquera jamais. Autant de détails qui sont totalement anecdotiques mais qui deviennent fondamentaux à cet instant de l’extinction de ces lumières.

C’est terrifiant parce que les 30 premières secondes te font dire que tu t’es planté sur toute la ligne, que les gens ne rigolent pas, et que tu vas retourner bosser chez Renault, après tout c’est beaucoup plus simple. Les 6 minutes 30 secondes suivantes te remettent dans le droit chemin et te font dire que tu as peut être touché quelque chose après tout.

Les lumières se rallument et tu accueilles les gens à la sortie. Les techniciens sont contents du boulot (ou râlent parce qu’ils sont mal crédités dans le générique de fin), les réalisateurs sont à la recherche de retours divers et variés et les comédiens veulent savoir s’ils passent bien à l’image. Toi, en tant que producteur, tu attends surtout une prise de température. Et tu respires parce que de toute façon le plus dur est passé.

La soirée qui suit, qu’elle soit une lose ou pas, peu importe. Tu es sur ton petit nuage parce que l’expérience de cinéma, tu l’as vécue. Elle n’est réelle probablement que dans ces moments là et elle justifie à elle seule les sacrifices que tu fais et les choses que tu tentes de mettre en oeuvre.

C’est probablement ces moments là qui font l’essence de ton métier, quand la jeune fille qui est assise à coté de toi rit à la blague pour laquelle tu t’es battu trois ans auparavant pendant une longue session d’écriture. Et qu’elle est en communion avec toute une salle anonyme.