jeudi 17 février 2011

Au bord de l'eau



Aglaée, de Rudi Rosenberg

En arrivant à Clermont Ferrand, je n'entendais parler que de ce film. Et force est de constater que c'est à la hauteur. Le film rappelle à bien des égards la fraicheur du récent La Vie au ranch de Letourneur : un monde adolescent traité avec un réalisme assez brutal dans les dialogues, dans la caractérisation des personnages. Ici, on est au collège, avec une intrigue assez simple de comédie romantique : un garçon a comme gage, suite à un pari débile, d'aller dire à la grande gueule de la classe qu'il veut sortir avec elle. Il se prend un vent et l'encaisse extrêmement mal, renvoyant à la figure de la fille un torrent d'horreur.

L'Aglaée en question est handicapée et Rosenberg a l'excellente idée de sortir cette particularité de l'équation. Cela apporte surtout au personnage (superbement incarné) une vraie maturité, qui va offrir un dénouement superbe au court métrage. Le garçon va être mis face à ses contradictions, à la naissance de son désir et va finalement accepter les choses qui s'imposent à lui : les sentiments qu'il a pour cette fille. C'est traité avec légèreté dans le film, mais également avec beaucoup de sérieux. Le regard du cinéaste sur les jeunes adolescents est plein d'amour, et lorsque le héros se prend le tribunal des jeunes filles furax, on est totalement avec lui. Rosenberg a réussi à tirer de ses comédiens quelque chose d'extrêmement rare, de très crédible, permettant une identification immédiate. Pour reprendre l'exemple de Letourneur, on est ici dans quelque chose qui relève beaucoup moins de la pose et de la prouesse formelle : ce réalisme est un parti pris au niveau du ton, et cela s'efface finalement derrière l'histoire, derrière l'évolution des personnages. C'est la grande force du film, cette justesse de ton. Et ce qui aurait pu être totalement ridicule dans la deuxième partie est finalement très sobre, très cash mais en même temps très retenu. Tout cela pour dire que le réalisateur a probablement énormément de talent et qu'on sera amené à le revoir.

Une vraie réussite pour Karé Productions qui a financé le film avec le concours de l'aide au programme du CNC.

Prix d'interprétation féminine et mention spéciale du jury à Clermont.

Le Piano, de Lévon Minassian

Une ville arménienne, qui n'a jamais été reconstruite suite au tremblement de terre de 88. Et la vie a repris le dessus, les gens vivent dans des préfabriqués et un vieil homme se fait livrer un piano pour que sa fille participe à un concours national. Le piano n'entre pas par la petite porte et on est obligé de laisser l'instrument dehors. Tout va ensuite tourner autour des répétitions et de la préservation du fameux piano, dans une pure ambiance de comédie à l'anglaise, avec création d'univers, de galerie de personnages.

Court métrage assez délicieux, dans lequel on entre comme dans des chaussons, plus classique que le précédent, mais qui fonctionne très bien dans sa veine comique. Gros carton auprès du public. Et réalisateur délicieux.

Film financé par France Télévisions et la région Alsace.

Mention spéciale du jury à Clermont Ferrand.

Le Petit tailleur, de Louis Garrel

Léa Seydoux. Si Garrel, n'en est pas amoureux, il la filme tout comme. Pour mon plus grand plaisir.

Film financé par France Télévisions, le CNC (contribution financière) et plein d'autres gens.

Tremblay en France, de Vincent Vizioz

Le Grand Prix, qui a déjà un peu tourné (vu à la dernière projo BREF, aux cotés d'Après le feu, produit par les amis de Triptyque).

Un écossais débarque à Paris pour retrouver une fille, on lui dit qu'elle a déménagé à Tremblay en France. Et comme une blague, sur les bords du canal de l'Ourcq, on lui dit de suivre le canal jusqu'à Tremblay. Pendant une nuit, il va longer l'eau et va plonger dans une certaine France.

Si ce n'était pour une certaine scène de retrouvailles, je trouve le film réussi en tous points. Le principe est simple, plein de sens, et est mis en scène avec beaucoup de talent par Vizioz, qui transforme cette randonnée nocturne en véritable voyage au bout de la nuit, frolant parfois le fantastique, et laissant un gout extrêmement amer. Le film est surtout très beau, que ce soit dans les déambulations ou dans le final sylvestre. Je ne sais si c'est parce que ce sont des coins que je connais (bien pour certains), mais j'ai été super sensible à l'esthétique, à la mise en scène de la Seine St Denis et de ce canal si cinégénique. Ce boyau qui part de Paris et qui s'enfonce dans les bas fonds de la région parisienne, dans ce qu'elle peut avoir de plus laid (les camps sordides) et en même temps de plus beau (le parc). Un vrai objet de cinéma, plein de sens. Et un film sensible à ce niveau là.

Clap clap !

1 commentaire:

Mademoiselle C a dit…

Comment on découvre au détour d'un lien que certains bloguent en sous-marins, sans rien dire à personne...